On disait d’un univers, où les vivants commençaient enfin à décrire ce que les sens leurs dictaient, qu’il était l’origine d’une histoire et d’un avenir prometteur. L’avenir créé par une population d’artistes, tels des inventeurs en herbe ou des créateurs à l’intelligence innée. De ses terres sortaient chaque jour de nouvelles inventions, non pas les bâtisses que revêtaient leur sol, mais des mots pour qualifier et décrire tout ce que leurs yeux pouvaient voir. De la terre jusqu’au ciel, telle une usine à verbes, une usine à rêves. Toutes ces inventions semblent égales, des plus parfaites, et pourtant, les créateurs disaient eux-mêmes que la plus précieuse d’entre elles était celle des couleurs. Chacune d’elles avait une importance inégalable. Ils étaient tombés amoureux de leur beauté et accordaient le plus grand soin à leur définition. La couleur n’a pas d’effluves, mais elle doit avoir une prononciation à la sonorité douce, comme si l’on pouvait la sentir et la caresser du bout des doigts, jugeaient les pionniers, pour en sentir les plus infimes détails qu’elle offre face à d’innombrables décors. Ainsi, l’imagination des esprits a fusée de toutes parts et les premières couleurs sont apparues. A leur image, leur nom était divins et délicats, comme intemporel. On prononçait une par une leurs lettres comme si on les goûtait pour la première fois, et leur goût imaginaire était exquis. Les personnes s’empressaient toutes les heures de trouver de nouveaux tons pour embellir leurs paysages mais souvent, rien n’était assez beau. Malgré la complexe tâche, on trouvait que le rouge s’alliait d’une bonne manière au rugissement du feu et au goût tendre de la fraise. On associait le mot vert aux feuilles d’arbres et tout ce qui en ressemble grâce à leurs formes harmonieuses et aux brins d’herbes qui sont légers. La couleur verte avait comme une odeur fraîche et non semblable à d’autres, pensaient les vivants. Le jaune portait son nom à l’issue du soleil, par son allure imposante et vive. Il était haut dans le ciel mais pouvait piquer comme l’acidulé d’un morceau de citron sur le palet. On créa le marron, couleur sombre de la terre et parfois chaude comme le rouge des flammes. Mais aussi le rose, comme le nom d’une fleur et le romantisme d’une âme, s’en suit le violet, sombre allure du rose comme s’il s’était envolé. Après avoir créé le plus sombre et le plus clair de chaque couleur, les bienheureux inventeurs avaient ralentis leur cadence quand ils découvrirent les deux extrémités qui marquaient la fin de leur grande exploration : l’obscure couleur noir et l’éblouissante couleur blanche.

A peine avaient-ils trouvé une définition propre à ces deux couleurs fascinantes que leur univers bascula. Ce n’est pas la terre qui a tremblée mais leur esprit tout entier quand les pionniers se rendirent compte qu’une couleur manquait au registre de leur précieux trésor. Une couleur qu’on disait primaire et unique aux yeux de ses plus fidèles admirateurs, qui avaient pourtant oublié de lui donner un nom. Dans un souffle de panique, les habitants de toutes les contrées s’hâtaient de trouver un titre des plus dignes, qui pourrait compléter une collection des plus flamboyantes.
C’est dans l’une de ces contrées qu’un jeune inventeur avait eu la brillante idée de se vêtir de cette couleur mystérieuse face à ses confrères. Les tissus de différentes nuances, qui couvraient la peau du garçon, étaient égaux aux indomptables vagues de la mer. Cette immensité de l’océan qui s’assombrissait au fur et à mesure que l’on avançait dans les profondeurs, et qui s’accentuait quand il tournait sur lui-même, dans des pas réguliers, tel un automate. On pourrait presque voir les poissons nagés au-dedans, mais c’est quand le jeune homme se met à danser que ces poissons se transformèrent en oiseaux. L’immensité du ciel s’exposait à eux comme un paysage irréel, avec le soleil qui tranchait cette magnifique étendue et s’alignait à l’horizon. Claire et apaisante, froide et fuyante. Les créateurs criaient aux noms farfelus, tandis que d’autres s’écriaient au turquoise. Pas assez proche du vert ni du jaune, pas même du violet. Personne n’avait le mot au bout des lèvres.
Sauf pour une paire de lèvres rosées, celle d’une femme qui arpentait les rues en quête d’inspiration pour la dite et somptueuse couleur. A peine avait-elle posé son regard éperdu sur l’homme étrangement vêtue de cette même couleur pleine de nuances, qu’elle fut effleurée d’un éclair de génie. Une idée douce mais si évidente qu’elle se mit à marcher mécaniquement vers le groupe d’inventeurs. Vers cet homme qui continuait à danser pour semer plus d’idées farfelues qu’il n’en faut dans l’esprit de ses spectateurs. Le sourire malin mais le regard trop concentré sur ses pas de danse, l’inventeur ne vit pas la jeune femme lui étreindre la main. Elle le fit avec tant de tendresse qu’il en perdit ses moyens, et finit par lui dire : « J’ai trouvé, vous êtes bleu ! ».

« Bleu », c'est bien plus qu'un nom commun, ou qu'un simple adjectif. Aux origines, il était blou, blo, ou encore blau.
C'est une couleur mondiale ! Blau en Allemagne, blue en anglais, azul en espagnol, aoi au Japon, blauw en néerlandais, galano en Grèce, ou encore niebieski en Pologne. D'ailleurs, en français, le bleu a une place de choix parmi nos expressions françaises ! Nous avons tous une peur bleue de quelque chose n'est-ce pas ? Et nous aimerions avoir le sang bleu de la royauté de temps en temps... Tout les ouvriers connaissent le bleu de travail, et tout les débutants leur surnoms. J'ai une amie qui pleure toujours devant les films romantiques, quelle fleur bleue. Si je vous dis le grand bleu ? Non, pas le film... L'océan !
Le bleu est une grande famille. Clair, azur, cobalt, pétrole, électrique, saphir, ciel, marine, canard, cyan. Et leurs cousins les hexadécimaux, comme #B0E06, #77B5FE, #007FFF, ou alimentaires comme E 131, E132, E163. Tellement de bleus ! En biologie, c'est Méthylène qu'on appelle, en chimie bromothymol et sulfate de cuivre, en physique 435 nm. Quel champ chromatique !
Il est symbole de la paix, de la sérénité, l'infini, la nature et le froid. Mais oui, le bleu est partout, saviez-vous ?Police, fromage, panneau de parking, bouteille de lait demi-écrémé, billard, , sur votre robinet et dans vos toilette (symbole de pureté et de fraicheur...). Même sur toute une villeil sagit de Jodhpur en Inde. Et comme le bleu est comme le vert symbole de la nature, la faune et la flore aussi se mettent au bleu. Comme le Morpho, le Martin-pêcheur, le Bleuet ou encore Linckia laevigata.
Mais, trop de bleu ne tuera jamais le bleu !
(les Avatars et les Schtroumpfs sont vos amis)