Elle ignorait si elle était là depuis le tout début.  Depuis le grand Big Bang. Elle ne pouvait pas remonter à ses origines, c’est pourquoi elle ne comprenait pas. Chaque jour, se voyant elle-même, se jugeant, elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi cette masse incompréhensive d’humains avaient décidé de l’appeler Jaune. A vrai dire, ce nom ne lui plaisait pas, mais elle pensait surtout qu’il ne lui correspondait pas, et que sa personnalité désirait plus que tout reprendre le dessus sur les limites imposées par ce jugement. Elle était bien plus que jaune, elle le savait.


Visitant le monde à travers le soleil, les objets, les façades, les tissus, on aurait pu croire qu’elle rencontrait beaucoup d’amis mis à part les autres couleurs. Mais ce n’était pas le cas. Et même les couleurs, souvent, l’ignoraient. Ses seuls véritables confidents étaient Noir et Blanc, car eux aussi subissaient la discrimination, n’étant pas considérés comme des couleurs. Leur fils, Gris, était accusé d’être trop triste. Quand à Vert, on se moquait de lui car sa couleur rappelait le vomi. Marron, n’en parlons pas. Mais Jaune, c’était comme si personne ne la connaissait. Personne n’y prêtait attention…  En secret, elle lorgnait sur Rouge, incroyablement sexy, espérant un jour faire sa vie avec lui, mais lui non plus ne le remarquait pas…


Ayant vécu ainsi depuis toujours – d’après ce dont elle pouvait se souvenir-, elle eut fini par l’accepter si elle n’avait pas fait cette incroyable rencontre…. l’Homme au Chapeau.  Grand, trop mince, barbu, toujours une cacahuète dans la main, il n’était pas vraiment bel homme, mais possédait un charme non négligeable. Et surtout, son chapeau, dont il ne se séparait jamais, était d’une incroyable couleur sans nom, que Jaune n’aurait pu nommer. Elle lui ressemblait, de loin, mais elle était bien plus brillante, plus foncée, de sorte qu’elle faisait bien moins mal aux yeux ; elle avait la couleur des flammes, de l’amour. Mais elle était sans nom. Jaune passait ses journées à observer cet homme et surtout son chapeau. Après quelques mois, elle comprit ce qui l’attirait chez cette couleur, hormis sa beauté. Elle était tout ce qu’elle-même aurait voulu être. Et surtout, elle lui rappelait le beau Rouge. Elle finit par s’entretenir avec l’homme, qu’elle n’avait fait qu’observer jusque là. Lui au moins ne l’ignorait pas, ce n’était pas un humain comme les autres, et il disait de Jaune qu’elle ressemblait fortement à la couleur de son chapeau. Il lui apprit que celle-ci s’appelait Orange. Ce superbe nom, qui la fit frissonner, d’abord l’intrigua, puis finit par l’obséder, surtout quand l’Homme au Chapeau, tout bas, avoua qu’il avait entendu une rumeur disant que cette couleur proviendrait d’une fusion entre du rouge et…du jaune. Elle ne voulut y croire au début, mais Rouge, qui avait toutes les filles à ses pieds, lui était bien destiné à elle, celle dont personne ne voulait.


Alors qu’elle n’avait jamais réellement cherché à séduire Rouge, elle s’y appliqua méthodiquement. D’abord, il lui fallait éliminer ses rivales. Elle savait que son esprit de compétition l’y aiderait. Elle commença par se renseigner sur chacune d’entre elles pour trouver leurs faiblesses. Il y avait d’abord Violet, rongée par la gourmandise. Lorsqu’à la demande de Jaune elle refusa de s’éloigner de Rouge, la couleur déterminée lui proposa de lui offrir chaque jour des livraisons de cookies et de Babibel, ses deux aliments préférés. Violet ne put définitivement pas résister lorsque, en plus de cela, l’Homme au Chapeau lui proposa les cacahuètes qu’il avait toujours sur lui. Rose, sa deuxième grande rivale, était tellement jolie que Jaune ne sut d’abord pas comment s’y prendre. Mais en espionnant Rose, elle découvrit que cette dernière passait ses journées à dévorer des dramas. Elle lui offrit des coffrets de dramas coréens et japonais, espérant ainsi l’occuper pendant qu’elle tenterait sa chance. Naturellement, les couleurs se posaient des questions sur cette soudaine réapparition de Jaune, elle qui était toujours restée à l’écart. Rouge, de nature curieuse, ne put s’empêcher d’y fourrer son nez. C’est alors qu’il vit jaune qui le regardait. Il n’avait jamais remarqué qu’elle le regardait. Alors il la regarda aussi, et il ressentit quelque chose d’indescriptible. Il ressentit le besoin immédiat d’apprendre à connaître cette personne qu’il n’avait jamais remarquée. Alors que sur quelques mois à peine, une amitié indestructible unissait les deux couleurs, Jaune se décida enfin à lui avouer sa découverte d’Orange, et son désir de devenir comme elle. Rouge fut aussi impressionné qu’elle par cette couleur inconnue, et il passa lui aussi des jours à la retourner en tous sens. Jaune n’osait pas lui dire d’où devait provenir Orange. Elle devenait de plus en plus insistante quant à son désir de changer, de prendre un nouveau départ. Un jour, Rouge, bien connu pour s’emporter facilement, ne put retenir sa pensée.


Pour la énième fois Jaune se plaignait d’être jaune, et n’y tenant plus, il cria « Je ne veux pas que tu changes ! Je t’aime comme tu es ! ». Il se tut, et il…rougit. Jaune, sentant son cœur s’emporter, fut submergée par ce  sentiment d’amour indescriptible, et elle étreignit si fort son bien aimé qu’ils fusionnèrent, créant une lumière couleur de feu qui aveugla la Terre entière.


Tout le monde crut à une aurore boréale ou à du tonnerre. Mais l’Homme au Chapeau, lui, savait qu’il s’agissait de la victorieuse Jaune réalisant son rêve. Devenir Orange.

Elle ignorait si elle était là depuis le tout début.  Depuis le grand Big Bang. Elle ne pouvait pas remonter à ses origines, c’est pourquoi elle ne comprenait pas. Chaque jour, se voyant elle-même, se jugeant, elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi cette masse incompréhensive d’humains avaient décidé de l’appeler Jaune. A vrai dire, ce nom ne lui plaisait pas, mais elle pensait surtout qu’il ne lui correspondait pas, et que sa personnalité désirait plus que tout reprendre le dessus sur les limites imposées par ce jugement. Elle était bien plus que jaune, elle le savait.


Visitant le monde à travers le soleil, les objets, les façades, les tissus, on aurait pu croire qu’elle rencontrait beaucoup d’amis mis à part les autres couleurs. Mais ce n’était pas le cas. Et même les couleurs, souvent, l’ignoraient. Ses seuls véritables confidents étaient Noir et Blanc, car eux aussi subissaient la discrimination, n’étant pas considérés comme des couleurs. Leur fils, Gris, était accusé d’être trop triste. Quand à Vert, on se moquait de lui car sa couleur rappelait le vomi. Marron, n’en parlons pas. Mais Jaune, c’était comme si personne ne la connaissait. Personne n’y prêtait attention…  En secret, elle lorgnait sur Rouge, incroyablement sexy, espérant un jour faire sa vie avec lui, mais lui non plus ne le remarquait pas…


Ayant vécu ainsi depuis toujours – d’après ce dont elle pouvait se souvenir-, elle eut fini par l’accepter si elle n’avait pas fait cette incroyable rencontre…. l’Homme au Chapeau.  Grand, trop mince, barbu, toujours une cacahuète dans la main, il n’était pas vraiment bel homme, mais possédait un charme non négligeable. Et surtout, son chapeau, dont il ne se séparait jamais, était d’une incroyable couleur sans nom, que Jaune n’aurait pu nommer. Elle lui ressemblait, de loin, mais elle était bien plus brillante, plus foncée, de sorte qu’elle faisait bien moins mal aux yeux ; elle avait la couleur des flammes, de l’amour. Mais elle était sans nom. Jaune passait ses journées à observer cet homme et surtout son chapeau. Après quelques mois, elle comprit ce qui l’attirait chez cette couleur, hormis sa beauté. Elle était tout ce qu’elle-même aurait voulu être. Et surtout, elle lui rappelait le beau Rouge. Elle finit par s’entretenir avec l’homme, qu’elle n’avait fait qu’observer jusque là. Lui au moins ne l’ignorait pas, ce n’était pas un humain comme les autres, et il disait de Jaune qu’elle ressemblait fortement à la couleur de son chapeau. Il lui apprit que celle-ci s’appelait Orange. Ce superbe nom, qui la fit frissonner, d’abord l’intrigua, puis finit par l’obséder, surtout quand l’Homme au Chapeau, tout bas, avoua qu’il avait entendu une rumeur disant que cette couleur proviendrait d’une fusion entre du rouge et…du jaune. Elle ne voulut y croire au début, mais Rouge, qui avait toutes les filles à ses pieds, lui était bien destiné à elle, celle dont personne ne voulait.


Alors qu’elle n’avait jamais réellement cherché à séduire Rouge, elle s’y appliqua méthodiquement. D’abord, il lui fallait éliminer ses rivales. Elle savait que son esprit de compétition l’y aiderait. Elle commença par se renseigner sur chacune d’entre elles pour trouver leurs faiblesses. Il y avait d’abord Violet, rongée par la gourmandise. Lorsqu’à la demande de Jaune elle refusa de s’éloigner de Rouge, la couleur déterminée lui proposa de lui offrir chaque jour des livraisons de cookies et de Babibel, ses deux aliments préférés. Violet ne put définitivement pas résister lorsque, en plus de cela, l’Homme au Chapeau lui proposa les cacahuètes qu’il avait toujours sur lui. Rose, sa deuxième grande rivale, était tellement jolie que Jaune ne sut d’abord pas comment s’y prendre. Mais en espionnant Rose, elle découvrit que cette dernière passait ses journées à dévorer des dramas. Elle lui offrit des coffrets de dramas coréens et japonais, espérant ainsi l’occuper pendant qu’elle tenterait sa chance. Naturellement, les couleurs se posaient des questions sur cette soudaine réapparition de Jaune, elle qui était toujours restée à l’écart. Rouge, de nature curieuse, ne put s’empêcher d’y fourrer son nez. C’est alors qu’il vit jaune qui le regardait. Il n’avait jamais remarqué qu’elle le regardait. Alors il la regarda aussi, et il ressentit quelque chose d’indescriptible. Il ressentit le besoin immédiat d’apprendre à connaître cette personne qu’il n’avait jamais remarquée. Alors que sur quelques mois à peine, une amitié indestructible unissait les deux couleurs, Jaune se décida enfin à lui avouer sa découverte d’Orange, et son désir de devenir comme elle. Rouge fut aussi impressionné qu’elle par cette couleur inconnue, et il passa lui aussi des jours à la retourner en tous sens. Jaune n’osait pas lui dire d’où devait provenir Orange. Elle devenait de plus en plus insistante quant à son désir de changer, de prendre un nouveau départ. Un jour, Rouge, bien connu pour s’emporter facilement, ne put retenir sa pensée.


Pour la énième fois Jaune se plaignait d’être jaune, et n’y tenant plus, il cria « Je ne veux pas que tu changes ! Je t’aime comme tu es ! ». Il se tut, et il…rougit. Jaune, sentant son cœur s’emporter, fut submergée par ce  sentiment d’amour indescriptible, et elle étreignit si fort son bien aimé qu’ils fusionnèrent, créant une lumière couleur de feu qui aveugla la Terre entière.


Tout le monde crut à une aurore boréale ou à du tonnerre. Mais l’Homme au Chapeau, lui, savait qu’il s’agissait de la victorieuse Jaune réalisant son rêve. Devenir Orange.