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"Le coussin de velours vert sous son postérieur
Commençait à se tasser; comme sa figure.
Ses ongles autrefois roses exsudaient de la sciure.
Éteint, mais il gardait un sourire rieur.

Un morceau de verre dansait sur le tapis.
Encore fébrile, sa main suivit le tour,
De ses formes, de ses angles, d'un geste gourd.
Non sans un soupir, il leva ses yeux vieillis.

Sur l'auteur de ses meurtrissures. Un baiser tendre.
Un sentiment de douce perdition au miel.
Comme une mouche figée dans le fruit mortel
De ses désirs. Tentant vainement de tordre

La corde qui le maintenait sans volonté.
Ses doigts forts caressaient son torse si musclé.
Et s'arrêtaient parfois; pour être suppliés
Par un sanglot caverneux d'une voix usée.

Supplications à la fois d'une délivrance
De son corps captif de cette glace brûlante.
Et servitude de cette joie bouillonnante.
Un parfum funeste tantôt doux tantôt rance.

Un bourdonnement s'échappait de la radio,
Quelque chose en rapport avec l'amour ou autre.
Après tout, qui s'en soucierait? L'amour n'est autre,
Qu'une pure fiction sortie d'un fabliau."

   « Je pensais ne plus jamais pleurer pour toi. Je pensais ne plus réussir à t'aimer suffisamment. Je m'étais donc trompée, car me voici en larmes avant même d'avoir commencé à relire les mots que je t'écrivais il y a exactement un an. Cela me fait du bien. J'avais besoin de pleurer. L'intériorisation de mes sentiments (re)commençait à me faire souffrir. J'avais peur de ne pas tenir.

   J'ai mal... Je ne veux pas pleurer. Mais. »

   Elle s'arrête et respire longuement, essayant de reprendre son souffle pour ne pas éclater en sanglots. Elle inspire, expire, s'essuie le visage, mais de nouvelles gouttes quittent immédiatement ses yeux humides et viennent envahir ses joues.

   « Je crois que je t'aime trop. Beaucoup trop.

   Tu ne m'aimes pas. Cesse de mentir. Ne vois-tu pas que je t'aime réellement. Et que je souffre à chaque instant. J'aimerais simplement t'oublier. Te jeter comme tu me jettes. T'ignorer à jamais. Parce que tu me fais mal. J'en ai marre de t'aimer. »

   Elle s'essuie à nouveau le visage. Son nez est désormais bouché, elle peine à respirer. Elle enfonce son visage dans sa couverture.

   Elle décide d'abandonner l'écriture de sa lettre. Son coeur ne la supportera pas.


   Quelques jours plus tard, elle s'empare à nouveau de son téléphone, ouvre son application et se met de nouveau à écrire. Mais cette fois, elle décide de s'adresser à quelqu'un d'autre.

   « Antoine ?
   Je souris à l'idée de prononcer ton prénom. Cela fait si longtemps qu'il n'est pas sorti de ma bouche.

   C'est la Saint-Valentin. Et... Je n'ai pas de Valentin. Alors si tu veux bien, j'aimerais t'adresser quelques mots doux. Ouaw, je pleure déjà. Cela me surprend.

   Pour commencer, sache que je ne suis plus amoureuse de toi. Depuis  à peu près un an. Un an et demi peut-être. Je ne sais pas trop à quel moment j'ai commencé à tourner la page, mais j'y suis parvenue. En réalité, c'est parce que je suis tombée amoureuse de quelqu'un d'autre, après avoir passé trois ans à te désirer en vain. Mais au fond de moi, et la preuve est que j'en pleure actuellement, je ressentirai toujours quelque chose pour toi. Tout comme je ressentirai toujours quelque chose pour lui. Tu es mon premier amour, et il est l'amour de ma vie. Mais aucun de vous ne m'aime. Et vous m'ignorez tous les deux. Et. J'ai mal, Antoine. Je ne veux pas que tu le saches. Je ne veux pas que tu saches que je tiens encore à toi après tout ce temps. Cela fait quatre ans que nous passons l'un à côté de l'autre sans nous adresser le moindre regard. Quatre ans. Je suis presque certaine que tu ne te souviens même pas du fait que je t'ai aimé. Je suppose que tu as jeté ma lettre. Celle que je t'avais écrite le dimanche 22 janvier 2012, et dans laquelle je t'avouais mes sentiments, un an après être tombée sous ton charme. Je n'ai pas pleuré quand tu m'as fait comprendre que ce n'était pas réciproque. Je me souviens que ce soir-là, mon frère avait pensé que j'étais malade. Non, j'étais juste... Vide. Vidée de tout espoir. Mais je n'ai pas pleuré.

   A partir du samedi 04 février 2012, nous avons cessé de nous parler. Il n'y avait plus d'Antoine qui venait vers moi. Il n'y avait plus d'Antoine qui me taquinait. Tu. Nous ? Nous avons laissé la distance s'imposer. Nous avons commencé à nous ignorer. Je me souviens de toutes ces fois où tu saluais mes amis sans me saluer, ou quand je me prenais des vents en essayant de dire bonjour. Jusqu'à l'année dernière, j'avais tellement peur de ton regard...

   Tu sais, je ne comprends toujours pas pourquoi je t'aimais. Je n'appréciais rien de toi. Je ne te trouvais que des défauts, pas ou très peu de qualités. Mais cela ne m'empêchait pas d'être folle de toi.

   Un jour, en 2014, je me suis dit qu'il était temps de tourner la page. J'ai supprimé ton numéro de téléphone et je me suis retenue de te souhaiter un joyeux anniversaire, le jour exact de tes dix-huit ans. Je l'ai regretté. Mais je sais que tu n'y accordes aucune importance. Je n'ai pas ma place ni dans ton coeur, ni dans ton esprit, ni dans ta vie. Je suis donc passée à autre chose. Je me suis forcée à t'éviter, à détourner le regard à chaque fois que je te voyais. Je ne devais plus t'aimer.

   A l'époque, j'étais une petite fille naïve et dépressive protégée par des personnes merveilleuses. Et toi, tu n'étais qu'un gamin prétentieux réputé pour être très beau-gosse et dragueur. Nous étions bêtes. Mais aujourd'hui, lorsque je te vois, je remarque à quel point tu as changé. Tu as grandi, tu as gagné en maturité, en estime, et tu es devenu responsable. Je. Je suis jalouse. Jalouse de ton succès, de ta réussite. Jalouse de voir que tu t'es épanoui et que tu es désormais "un grand". Un grand que je respecte, que j'envie et que j'admire, tandis que je suis restée cette petite fille perdue, seule et frustrée.

   Je me demande un peu ce qui se serait passé si j'avais continué à t'aimer. Parfois, j'ai envie de retomber amoureuse de toi. Mais je t'ai remplacé. Et c'est peut-être mieux ainsi. Car, même si le nouvel élu de mon coeur joue avec mes sentiments et est encore plus ignoble que toi, je ne peux m'empêcher de l'aimer. Il m'a aidée à t'oublier et à sourire. Il m'a redonné l'envie de vivre, et même s'il n'est qu'un menteur qui me fait du mal, je l'en remercie et je l'aime.

   Antoine, j'espère que tu as trouvé ta Valentine et que tu prendras soin d'elle comme j'aurais aimé que tu prennes soin de moi. J'espère aussi que tous les deux, un jour, nous pourrons (re)devenir amis. Prends soin de toi et continue de grimper les échelons. J'aurais aimé pouvoir te dire que je suis fière de toi, mais je ne suis plus personne pour te dire cela.

   A bientôt, mini bg. Je eumh. Je t'apprécie.
   Joyeuse Saint-Valentin. Plein d'amour sur toi. »

   Satisfaite, elle sauvegarde ses mots et n'y touchera plus. Le passé ne sera pas effacé.